Le soldat méconnu
Vous êtes le soldat méconnu, connu mais. Pensez-vous qu'au fil des mois, je fus moi ? Qu'au mois de mai, je savais encore qui j'étais ? Je ne sais ce qu'était mai, mais il n'existait pas. Croyez-vous qu'en octobre, j'étais encore sobre ? Que moi, mois après mois, je n'avais plus ni foi ni loi. Vous n'êtes plus en état, plus en état de combattre. Vous vous battez contre des chimères, pour des fantômes, contre des souvenirs et pour un rêve sans cesse inaccessible et inachevé. Ne pensez pas que la vie se résume à cela, tu ne vois pas plus loin et ton regard va se muer et se faire torve.
Oui, mon soldat méconnu, pensez y à deux fois et tournez sept fois votre langue dans votre bouche avant d'offrir votre toit et votre toi à une autre que moi.
J'irai déposer sur votre tombe et sur les cendres de votre souvenir les fleurs de votre choix. A bien y réflechir, vous n'aimez voir mourir les fleurs, tandis que toi, toi tu es déjà dans la tombe. Since I was born I started to decay. Mais vous n'avez pas commencé. Vous êtes mort sans avoir commencé le combat, vous avez déserté, tout lâche de votre état.
Il ne reste plus que des ombres furtives, maladroites, chancelantes et fugaces. Une silhouette qui passe, qui détale comme un vil lapin. N'ayez crainte, je ne mors que les soirs de pleine lune.
En y repensant, vous êtes sans doute le soldat inconnu. Celui sur lequel personne n'arrivera à poser de nom, de visage, d'âme et de vie. Un nom et un visage, les registres les connaissent bien, l'âme et la vie, ravie de penser qu'elle se pâme à la futilité et l'inexactitude.
Vous êtes un connu, un familier. Que je pensais connaître, que je pensais avoir fait naître au milieu des débris d'un champ de combat. Prenez vos armes, les miennes sont prêtes à vous défier, je ne me fie qu'à ce que je fus et qu'à ce que je vis.
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