Nouvelles du front
Bonjour les lapins,
Mam'zelle passe vous faire un petit bonjour après une absence d'un certain temps et d'un temps certain. Ne vous inquiétez pas, Mam'zelle est toujours prof et ne s'est pas faite violenter par des élèves. Mam'zelle est toujours prof, cette petite prof au statut précaire mais attendez et tremblez je serai un jour ou l'autre une vraie prof avec une vraie paie de prof reconnue par ses pairs avec un joli papier qui attestera qu'elle est bien capable de faire prof. Voilà un peu plus de six mois que j'ai poussé la porte de l'Educ Nat, un peu par hasard d'ailleurs. Vous ai-je déjà raconté que Mam'zelle n'a jamais réellement voulu devenir prof avant de poser pied dans un établissement scolaire en tant qu'enseignante ? Le métier de professeur ne m'attirait en aucun cas et pourtant je vénèrais certains de mes professeurs, je trouvais leur travail et leur engagement et volonté remarquables. J'étais admirative de leur capacité à pouvoir transmettre avec passion. Mais moi, devenir prof ? Non ! Certains de mes camarades de galère qui veulent également faire partie de l'Educ Nat me disent parfois qu'ils ont toujours eu dans leur for intérieur cette fibre. Je ne l'avais pas. Etant d'un naturel timide, je pensais que je n'allais jamais être à la hauteur de ce métier. J'étais persuadée que j'allais me faire bouffer par les jeunes. Et je ne voulais pas devenir ce genre de prof dépressive qui se met à haïr tout ce qui touche de près ou de loin à l'élève. Qu'est-ce qui a bouleversé mes idées préconçues ? Voir.
Je précise avoir été lâchée dans la fosse aux lions de manière plus que violente et sans réelle préparation. Je me souviens de la première heure donnée au sein de mon établissement. C'était trois jours après avoir appris mon affectation. J'avais eu le temps de faire une visite rapide dans mon collège. Je suis arrivée en me perdant dans les couloirs alors que l'établissement est minuscule, je tremblais de partout, je me liquéfiais plus les minutes passaient. J'avais très rapidement préparé deux/trois choses à la va vite, et je me retrouvais dans ma salle, avec pour seule compagnie un paquet de feuilles et ma trouille. Je me souviens de cet instant où ma première classe est entrée dans la salle. Ils avaient tout autant des regards inquisiteurs que j'avais un regard apeuré et plein de questions. Allaient-ils me prendre pour une vraie prof ? Allaient-ils me donner un minimum de crédibilité ? Lors de cette première heure je cherchais tous mes mots, je fixais fébrilement mes feuilles sans jeter un seul regard à un ou une élève.
Six mois plus tard. Mam'zelle arrive dans son collège et s'y sent en sécurité. Claque les bises par paquet de douze. Malgré plusieurs discordes, le Tigre m'accorde sa confiance (et a intérêt à la faire sentir puisqu'il a besoin d'une prof pour l'an prochain). Ses collègues me voient à la fois comme la jeune petite prof qui est encore étudiante et me questionnent souvent sur "Alors, comment ça se passe les études ?" sans jamais porter de jugement ils me prennent pour une vraie prof. Ils sont tous plus adorables les uns les autres, se plient en quatre pour me rendre la vie plus facile et le métier plus agréable. Je vous passe le couplet de mes élèves qui me prêtent des rumeurs de coucherie avec les 3/4 de mes collègues masculins. A ce propos, je vous parlerai plus tard du collègue geek. Et que vous le vouliez ou non ! Et le plus important, comment est-ce que ça se passe donc avec les élèves ? Vous savez que j'avais toutes les peines possibles à maintenir l'ordre dans l'une de mes classes. Aujourd'hui ? Même s'ils ne se sont pas transformés en Bisounours ils sont en règle générale beaucoup moins agités qu'avant. J'exclus beaucoup moins de cours qu'avant. J'avais une moyenne d'un/deux élèves par cours, aujourd'hui je dois exclure un élève par semaine. Mais surtout j'arrive à les faire travailler ! Le brouhaha d'antan rendait impossible cette tâche. Même si tout n'est pas rose, à l'heure actuelle j'arrive à leur faire comprendre un peu de ce que je veux leur inculquer. Et j'en suis heureuse !
Mam'zelle va donc passer son CAPES et commence sérieusement à se mettre à le travailler 9 mois à l'avance. J'accoucherai de mon CAPES et j'espère que ce sera un beau bébé joufflu qui me donnera la possibilité d'enseigner. Mais quel avenir ? En effet, passant le concours dans 9 mois quelques échéances électorales seront passées par là auparavant. C'est dans ce contexte d'incertitude et de volonté que je suis avec une attention toute particulière la campagne électorale. Et autant dire que je passe pour une sacrée réac auprès de mes collègues, ce qui n'est pas pour leur déplaire. Je m'insurge contre les affirmations d'un président/candidat qui, si on y réflechit à deux fois, ne doit pas avoir regardé la réalité de l'Educ Nat depuis bien longtemps. Je passe à côté des propositions aussi irréalistes qu'affligeantes de demander aux enseignants de travailler plus pour ne pas gagner forcément davantage. Si vous suivez un tant soit peu la campagne, vous avez donc entendu parler de cette proposition : sur la base du volontariat (volontariat mes fesses) il serait donné l'opportunité aux enseignants de donner 6 heures de plus ajoutées aux 18 heures et payées 500 billets. En clair 6 heures sous payées. Déjà l'enseignante précaire que je suis ne gagne pas 500 € pour 6 heures, mais là c'est prendre tout le corps enseignant pour des imbéciles. Je passe le couplet de la prof blasée et qui risque de se faire traiter de feignasse qui dirait : "Non mais attendez, 18 heures de présence mais combien de préparation, de corrections de copies, de réunions, de conseils de classe etc etc ?" sous peine de se voir claquer dans la tronche "Ehh, tu vas te la fermer oui, t'as vu toutes tes vacances ?!". Je suis donc les déclarations complétement fausses de "Un enseignant a un emploi du temps sur 2 jours", mais je doute également fortement de la titularisation massive que promet le camp socialiste. Quel avenir pour la profession ? Je n'en ai absolument aucune idée, mais mon pessimisme me pousse à croire que peu de choses vont réellement changer ces prochaines années. J'entre dans la profession dans une génération confuse et apeurée.
Vous me direz alors : "Mais pourquoi donc y aller si tu es apeurée Mam'zelle ?". C'est parce que l'incertitude que je cultivais jadis à l'encontre de ce métier s'est transformée en regard critique et attendri. Je me demande encore pourquoi je m'excluais totalement ce métier. Non pas que je pense être faite pour cela à 3000% mais j'adore être confrontée à une autre réalité que celle que je me voulais dans mes rêves d'adolescente... devenir traductrice, ou bosser dans un bureau, au choix. Ici, je vis, je vois, et même si je ne suis pas forcément fan de mes élèves que je ne trouve pas du tout choupinous, j'espère à ma façon leur laisser une petite trace de mon passage dans leur scolarité. Je sais, c'est une totale utopie : comment se rappeller d'une prof qu'on a eu un an dans sa scolarité ? J'ose y croire, et j'espère qu'il auront su apprendre une ou deux choses en dehors de l'apprentissage d'une nouvelle langue.
Voilà un petit peu la Mam'zelle. Ah, et pour finir, je vous avais promis de vous raconter l'histoire du collègue geek. Pas taper, pas taper ! Collègue geek est comme son nom l'indique un geek, qui passe plutôt son temps à jouer sur son ordinateur et/ou regarder la télévision que se donner corps et âme à la correction de copies de manière religieuse. 'Tention, c'est pas non plus un dilettant. Mam'zelle l'apprécie, en tant que collègue, pour son esprit décalé. Depuis le début de l'année, le collègue geek est cordial et gentil avec Mam'zelle, l'amenant à la gare de temps à autre l'accueillant dans sa voiture/poubelle et lui offrant ses cigarettes. Aussi bien que mes élèves me prêtent une liaison avec ce collègue, à grands coups de "Ohhhhh Madame on vous a vus hein, avec Monsieur..." ce qui avait le don de me faire rire. Sauf que depuis quelques temps, collègue geek se trouve être plus gentil que la normale. L'amenant traditionnellement à la gare, collègue geek lui propose de lui donner son numéro de portable. Soit. Par la suite, collègue geek lui a proposé de passer par chez lui un soir après le boulot. Re-soit. Quelques minutes plus tard collègue geek qui se ravise et qui propose une soirée chez lui. Re-re-soit. Mam'zelle titillerait-elle le corps enseignant ? Va savoir !
C'était les nouvelles du front. Attendez vous à de moins en moins de mises à jour de ma part, mais Mam'zelle part toujours en guerre.
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